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Agenda

      Commémoration fin de la 2ème Guerre Mondiale 
  08/05/2013
10h
Monument aux morts

 

9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 23:20
Dimanche 8 janvier, François Hollande était à Jarnac à l’occasion de la commémoration de la mort de François Mitterrand. Il a déclaré lors de son déplacement « mon rôle, ma responsabilité : entendre le message de François Mitterrand et de le renouveler ». Le candidat à l’élection présidentielle a rappelé un des nombreux messages du premier président socialiste de la Ve République « Il faut aimer la France si on veut la diriger, la conduire, si on veut lui donner un destin »
Retrouvez le discours de François Hollande à Jarnac dans son intégralité

Discours de François Hollande à Jarnac par PartiSocialiste

 

Discours de François Hollande à Jarnac, le 8 janvier 2012,

 

Monsieur le Maire, cher Jérôme,

 

Madame la Présidente, chère Georgette,

 

Mesdames messieurs, parlementaires, élus, amis, qui vous êtes rassemblés ici en cette date qui rappelle à la fois une disparition mais aussi une personnalité exceptionnelle.

 

Nous sommes venus, dans cet hiver charentais si doux, pour rendre hommage à François Mitterrand, seize ans après sa mort, trente et un ans après la victoire du 10 mai.

 

Sont rassemblés ici sa famille, Gilbert, Mazarine, ses amis autour de l’institut François Mitterrand avec Hubert Védrine, ses proches, ses anciens ministres, ses collaborateurs, ceux qui l’ont connu, approché, admiré, servi, ou tout simplement soutenu dans tous les combats qui ont été les siens. Mais sont là aussi d’autres, plus jeunes, qui l’ont découvert par les images, par les livres d’histoire ou par le cheminement de leur propre engagement politique.

 

Dans le long parcours de François Mitterrand, dans ce qu’il a insufflé dans la trame de nos vies ou ce qu’il a laissé comme traces dans l’histoire de notre pays, il y a ce que certains retiennent que d’autres oublient.

Il y a l’opposant tenace, celui qui ne cède rien, qui regarde comme en 1965 la gloire en face et qui se veut le tenant de la liberté. Il y a le dirigeant clairvoyant, le rassembleur de la gauche. Il y a le chef d’Etat respecté, ici et ailleurs. Il y a l’européen volontaire. Et puis, il y a l’homme de culture, celui qui aime la littérature, les œuvres, et qui s’en inspire pour son action. Chacun a son idée de François Mitterrand. Ce qui tombe bien puisque François Mitterrand était lui-même multiple.

 

En 2012, cette cérémonie revêt une symbolique particulière, ce qui ne vous a pas échappé. En ce qui me concerne, pour l’élection présidentielle, François Mitterrand demeure le seul président socialiste de la cinquième République et je ne veux pas le laisser dans cette situation.

 

François Mitterrand demeure celui qui a été capable non seulement de conquérir mais de durer. Il est le président de la cinquième République qui a eu le plus long mandat. Quatorze ans ! Je veux chercher avec vous ce qui, dans sa personnalité, dans sa conception de l’action publique, dans son rapport aux Français, peut servir de référence aujourd’hui au combat que j’engage dans un autre contexte pour ouvrir à mon tour une nouvelle alternance, une nouvelle espérance.

 

Il y a d’abord chez François Mitterrand la maîtrise du temps. Garder la liberté de sa vie. Résister à la pression des humeurs, des modes, des habitudes, respecter les rites, mais aussi les rythmes. Choisir ses moments, ralentir, pour mieux accélérer. Faire la césure entre les temps.

Il aimait répéter qu’en gravissant chaque année au début de l’été la roche de Solutré, il mesurait ce qui ne bouge pas. Il embrassait le passé pour mieux appréhender le futur. Il était convaincu que la politique consiste à saisir les occasions, à franchir le présent pour porter l’avenir. Bref, à avancer.

 

L’histoire de notre pays ne progresse ni par la brutalité - qui est stérile, on le voit bien - ni par la résignation - qui est mortifère, mais par le mouvement. En choisissant la gauche - car il n’était pas né de ce côté-là même s’il était né à Jarnac - il s’était tourné vers le parti du mouvement. Il écrivait, aux début des années 1970, ce qui était en définitive sa philosophie : « L’eau croupit si elle ne coule pas, le muscle s’enquilose s’il ne bouge pas, l’intelligence s’use si elle ne s’exerce pas. Tout est mouvement et nous devons être le mouvement ».

 

François Mitterrand était un marcheur. Il avançait à sa façon toute particulière. Son itinéraire surprenait. Parfois il prenait des raccourcis inattendus, parfois il empruntait de longs détours, mais il ne se perdait jamais car il ne quittait jamais la ligne d’horizon. C’est ce qui expliquait qu’il était suivi, il savait ce qu’il voulait, et chacun comprenait le but qu’il s’était fixé.

 

Ce but n’a pas changé : c’est l’alternance, c’est le pouvoir, c’est la transformation de notre pays. Il était tenace et souvent il rappelait qu’il tenait bon.

 

Rendez-vous compte, vingt-trois ans d’attente ! Nous serons plus pressés, je l’espère. Vingt-trois ans d’attente où le doute le dispute à l’impatience. Il répondait avec fierté à la droite qui toujours croit être propriétaire de l’Etat. Il la toisait, il lui disait ces mots simples : « Nous n’avons pas de leçons à recevoir de vous. Nous nous tenons devant vous tranquillement, dignement, et le moment venu la France fera le choix qu’elle juge le plus compatible avec le sens qu’elle a de sa propre destinée ». Ces mots valent encore pour aujourd’hui.

C’est une autre leçon que je retiens de François Mitterrand : la volonté. La volonté politique. Elle n’ignore pas les réalités, mais elle ne plie pas devant les règles supposées de la fatalité. L’économie a des lois mais des lois peuvent aussi changer l’économie.

 

C’est la volonté politique qui fait entrer un peuple dans la modernité. C’est le risque pris par des dirigeants politiques courageux qui permet à un pays de franchir le pas décisif, celui dont on se demande une fois qu’il a été accompli comment il a été possible de mettre autant de temps avant de le franchir. Je pense notamment aux lois de décentralisation, à la liberté donnée à l’audiovisuel, mais aussi évidemment à l’abolition de la peine de mort. Pour demain, je pense aussi au droit de votes des étrangers aux élections locales, au droit pour tous les couples de se marier, au droit de mourir dans la dignité. Là aussi, il faudra du courage. Je ne sais si l’idée de ces droits est populaire ou impopulaire mais je sais que c’est là que réside l’avenir de la société. Je redis, à l’exemple de François Mitterrand, que ce que nous croyons juste nous le ferons et nous saurons en toute circonstance préférer le progrès de civilisation à la pesanteur des peurs.

 

La dernière leçon que je retiens de François Mitterrand, c’est le rapport à la France.

Mitterrand a réconcilié la France avec elle-même. Il a rassemblé un peuple divisé et qui parfois aime à se séparer. D’abord, parce qu’il a conduit à la victoire cette moitié de la France si longtemps ignorée, humiliée, recluse aux marches du pouvoir par son propre pays. 1981 était indispensable à l’unité de la nation. Mais il a aussi réuni la France, au-delà de l’alternance, en gouvernant. Pendant ses deux septennats, il aura constamment veillé à fixer des repères, à rappeler des valeurs communes, à donner un cap auquel tous les Français pouvaient s’identifier.

 

S’il y a un vœu que je veux partager avec vous en ce début d’année, c’est que la France retrouve le sens d’un destin commun, qu’elle sache rompre avec cette logique destructrice qui consiste à diviser, à fragmenter, à morceler, à dresser les Français les uns contre les uns en fonction de religions, de générations, d’origines et de situations sociales.

 

La France est à tous ceux qui l’aiment. Ce qui nous réunit est plus puissant que ce qui nous distingue. Ne l’oublions pas, au moment même où nous nous engageons dans une campagne électorale qui va forcément nous confronter à d’autres. J’ai le sentiment que je ne vais pas être seul dans la campagne présidentielle, même si certains ne se déclarent pas. Il y aura donc forcément des oppositions, des tumultes, des contradictions. Malgré tout ce qui nous sera dit ou tout ce que nous pourrons dire, il faudra bien réunir à la fin.

 

Entendons d’ailleurs ce que François Mitterrand écrivait lui-même en avril 1974, au plus dur du face à face entre la droite et la gauche : « Cette France, disait-il, ainsi partagée, comme il faudra s’occuper d’elle. ». Je le redis après lui : cette France, si divisée, comme il faudra s’occuper d’elle, la considérer, la respecter, y compris et je dirais presque surtout celles et ceux - pas trop nombreux - qui n’auront pas voté pour nous.

Nous touchons là à la clé des victoires de François Mitterrand, au cœur de son secret. Je vous le confie. Ne l’ébruitez pas, rien ni personne ne le saura, ce secret, et quand bien même, s’il était partagé, s’il pouvait convaincre, ce serait finalement le meilleur service que l’on pourrait rendre.

 

Quel est ce secret ? François Mitterrand aimait la France. Il avait pour elle la passion d’un homme habité par sa littérature, par sa langue, par son histoire, par sa géographie, par l’extraordinaire diversité du peuple français. Il était de ceux qui vibraient au récit du Sacre de Reims comme à celui de la Fête de la Fédération. Il avait coutume de prétendre qu’il n’avait pas besoin d’avoir de la France une certaine idée puisqu’il la vivait physiquement, concrètement, au travers de ces paysages, de ces maisons, comme celles de Jarnac, de ces villes, de ces villages et de ces habitants.

Il avait l’ambition de vouloir continuer la France. Ce doit être aussi la nôtre : poursuivre le récit.

Il avait bien sûr pour la France un de ces amours que l’on a si ardemment que l’on a grande pudeur à l’exprimer devant les autres. C’est une force intérieure, une forme de relation qui n’appartient qu’à ceux ou celles qui ont décidé de servir la France.

 

Alors, François Mitterrand avait de l’habilité - certains en ont été victimes. Il avait aussi le sens du calcul politique - il faut en avoir. Il savait faire les compromis, je n’ose dire les synthèses. Il avait été chef de parti. Mais ce qu’il faisait, et qui pouvait prendre parfois des sinuosités, était en définitive rectiligne parce qu’il servait une cause qui était bien plus grande que sa propre réussite.

Il ne cherchait pas la captation du pouvoir pour lui-même mais la poursuite du récit, j’allais dire du rêve français, celui que de génération en génération nous levons pour donner promesse d’un avenir meilleur.

 

C’est ainsi que François Mitterrand, pour l’évocation de son rapport au temps, pour ce rapport aussi au mouvement, à sa volonté politique, à son amour de la France, c’est par cette évocation que François Mitterrand, seize ans après sa mort, peut encore rendre service à son pays, à sa famille politique, au candidat qu’elle a choisi par les primaires.

 

Il nous rappelle tout simplement que toute victoire est un combat, que toute lutte est une épreuve et qu’il y faut une force d’âme et le soutien de tant et tant d’anonymes, que toute aventure collective est une passion. Il faut être porté, porté par une grande idée, porté par un peuple, porté par tous ces messages de confiance.

 

Je garde pour terminer une phrase de François Mitterrand. Elle m’inspire aujourd’hui. Elle a été prononcée quelques jours avant le 10 mai 1981. « Mes amis, disait-il, mon dernier mot sera pour dire qu’une vie toute entière rencontre une lumière.

 

Et qu’il s’agira maintenant, après demain, un peu plus tard, d’en rester digne ».

 

C’est cette lumière là qui m’éclaire aujourd’hui, en 2012, pour accomplir le destin qui doit nous attendre : une victoire pour la France qui fera que François Mitterrand, si les électeurs en décident, aura un successeur socialiste.

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